Atlas historique d’Alsace, l’histoire de l’Alsace en cartes
Caractéristiques
Auteur et institut | Mathieu Michler, INRAP | |
Périodes | Préhistoire / Protohistoire | |
Thèmes | Peuplement - Agriculture et monde rural - Artisanat et industrie | |
Cartographe | François-Florimond Fluck (AHA) | |
Echelle | Alsace | |
Projection | Lambert II étendu | |
Date de création | 2016 | |
Date de dernière modification | 2020 | |
Source | Carte originale | |
Comment citer cette source | Mathieu Michler, « Les haches du Chalcolithique et de l’âge du Bronze en Alsace », in Atlas historique d'Alsace, www.atlas.historique.alsace.uha.fr, Université de Haute Alsace, 2020 |
Notice de la carte
Les haches dont les lieux de découverte ont été cartographiés présentaient les mêmes fonctions que celles encore utilisées de nos jours. Elles servaient à couper, à fendre ou entailler, et à ce titre elles constituent des outils et/ou des armes. Objets usuels la plupart du temps, ces artefacts constituent dans certains cas des biens de prestige, de par leur rareté ou leur degré d’élaboration Les premiers modèles en métal, copies des haches en pierres, ont été coulés en cuivre, pour les périodes les plus anciennes, puis en bronze.Leurs formes ont changé au cours du temps, et la typologie qu’on a pu établir les répartit en familles : plates (1), à rebords (2), à talon (3), à ailerons (4), à douille (5).
Par leurs changements de forme lors de la Pré- et Protohistoire, les haches constituent de bons fossiles directeurs, permettant de dater des contextes, à des périodes où les informations textuelles sont rares, l’usage de l’écriture étant inexistant ou très restreint. Les découvertes de types « dépôt », associant plusieurs catégories d’objets, permettent de préciser ces datations, contrairement aux trouvailles isolées et aux trouvailles en contexte d’habitat, beaucoup plus rares.
La cartographie adoptée ici suit, par commodité, une ligne chronologique. Cela permet aussi d’illustrer l’évolution de la forme des haches, de faire apparaître les fluctuations du nombre d’objets découverts, et de montrer la répartition spatiale des trouvailles à différentes époques, ce qui sert de base à des hypothèses sur la circulation des objets. Ces cartes restent cependant limitées à ce type d’objet précis, et à la présentation neutre des données : leur confrontation avec des cartes d’occupation du sol permettrait de pousser plus loin l’analyse historique.
Les cartes proposées ici sont issues d’un travail publié récemment dans la collection allemande des Prähistorische Bronzefunde. Cette série propose des ouvrages consacrés à diverses catégories d’objets bien identifiés typologiquement à l’âge du Bronze (couteaux, haches, épées, parures…).
Une carte générale récapitule toutes les découvertes durant la période, et des cartes particulières, par tranche chronologique, avec notice spécifique (Période Chalcolithique-Bronze ancien, Bronze moyen et Bronze final) affinent la représentation des données.
La carte générale illustre la répartition de toutes les haches recensées pour l’Alsace durant la période. Il s’agit donc d’un état de la recherche, la recension ayant été faite dans la bibliographie archéologique régionale et nationale, ainsi que dans les musées. Ainsi les informations liées aux découvertes dites « clandestines » et non déclarées au Service régional de l’archéologie nous échappent bien malheureusement. Au total 201 objets figurent dans notre ouvrage, dont 18 haches perdues ou disparues de provenance alsacienne. La majorité provient du Bas-Rhin avec 127 objets, le Haut-Rhin ne comptant que 56 haches. Cette situation est la même pour chaque famille de haches, sauf pour les haches à rebords plus nombreuses en Haute-Alsace. En ce qui est des circonstances de découvertes, les informations sont ténues, puisque pour 168 objets l’information est manquante. 15 ont été découvertes lors de travaux de construction ou d’extraction (particulier, gravières…), 14 lors de fouilles ou prospections et 4 lors de dragage de canaux. Si l’on s’intéresse aux contextes de découverte des haches, là aussi l’information est absente pour 118 objets. Un nombre conséquent de haches a été découvert « isolement » (26 exemplaires), alors que 36 proviennent de « dépôts » comportant plusieurs objets en bronze. Ce chiffre est a relativisé vu le grand nombre de haches présent dans le seul dépôt de Habsheim dans le Haut-Rhin (19 haches en bronze et deux lingots de cuivre). Ensuite viennent les haches en provenance de tombes (14 exemplaires), comme dans celles des tertres du Bronze moyen de Haguenau. 6 haches proviennent de cours d’eau, parfois dans des zones de gués anciens probables. Une seule hache provient d’une fosse de rejet sur un habitat ; il s’agit de la hache à talon proche du type de Haguenau provenant du lotissement « Terrasse du Diaconat » à Colmar.
Beaucoup de haches étudiées proviennent d’anciennes collections privées, dont certaines furent léguées aux divers musées régionaux, comme à Mulhouse par exemple pour les collections Engel-Dolfus, Winkler, Mieg entre autre. Parmi les chercheurs s’étant intéressés à l’âge du Bronze signalons G. Bleicher et Ch.-F. Faudel qui entreprirent de 1878 à 1888 l’inventaire et l’étude des « Matériaux préhistoriques » d’Alsace. Au début du vingtième siècle, la Société pour la Conservation des Monuments Historiques d’Alsace permet la mise en réseau des différentes archéologues locaux qui font remonter les informations et nouvelles découvertes. Notons la contribution notable de J.-P. Millotte dans les années 60 qui publia plusieurs articles sur des haches découvertes la plupart dans l’est de la France. Enfin, les ouvrages de B.-U. Abels et K. Kibbert, dans la collection des Prähistorische Bronzefunde ont constitué une base non négligeable pour l’identification de types présents en Alsace.
Chronologiquement l’âge du Bronze couvre près de quinze siècles (-2300 à -800 env.) et se subdivise entre trois périodes qui sont le Bronze ancien (-2300 à -1650), le Bronze moyen (-1650 à -1350) et le Bronze final (-1350 à -800). En Alsace, les découvertes du Bronze ancien sont encore relativement limitées, les plans de bâtiments assez rares, mais des progrès ont été fait en ce qui concerne la typo chronologie de la céramique. Nous avons utilisé le terme de Chalcolithique pour désigner la phase précédente incluse dans le Néolithique final (cultures cordée et campaniforme), mais durant laquelle l’emploi du cuivre est attesté. Le Bronze moyen quant à lui est principalement représenté par des découvertes funéraires et plus modestement par quelques fosses de rejets liées à l’habitat. Le Bronze final connaît une augmentation significative du nombre de site dans la région avec une part significative de grandes nécropoles à dépôts de crémations.
Tout au long de l’Âge du Bronze, la forme et la fonction des haches en bronze n’ont fait qu’évoluer en fonction des besoins des groupes culturels présents en Alsace.
De même, les groupes voisins ou plus lointains exporteront des types de haches jusque dans notre région où ces dernières se retrouvent, plus ou moins nombreuses, dans des contextes et des lieux différents. Il est important de rappeler qu’aucun moule, ni atelier n’a été retrouvé en Alsace, au point de se demander si toutes les haches étaient importées. Des recherches en cours, coordonnées par Maréva Gabillot proposent de nouvelles méthodes d’analyses des haches (techno-typologie, comparaisons des profils de objets) pour la période du Bronze moyen, afin de mieux comprendre les relationsentre des « zones-ateliers » à l’Ouest et l’Est de la France. Cette démarche permettra d’avancer sur ces questions, vu l’absence de découverte d’atelier en place dans la région.
Ainsi, au Chalcolithique nous pouvons percevoir les premières tentatives de maîtrise du cuivre en Alsace, par la présence de haches plates qui probablement pouvaient à la fois être utilisées comme des outils et faire office de lingots. Rattacher ces instruments à une culture précise reste complexe, mais certains modèles sont identiques à ceux découvert en Suisse au milieu du IVème millénaire avant J.-C.
Au Bronze Ancien par contre, les haches à rebords, plus clairement définissables comme des outils, sont issues de différents courants, comme la Suisse occidentale pour les haches du type de Neyruz, dont les types de Riquewihr et de Strasbourg seront des dérivés. Le Haut-Rhin, a pu constituer une zone de carrefour ouvert aux influences et diffuser ses modèles au Bas-Rhin, comme les nombreuses haches à tranchant semi-circulaire (type de Langquaid II) liées aux groupes de Straubing et Singen, tributaires de la culture d’Únětice plus orientale. Ces haches retrouvées dans des dépôts (Col du Bonhomme) ou avec des objets de parure (Offwiller) devaient avoir une valeur marchande et de prestige. Des dérivés de cette grande famille de Langquaid se retrouvent au début du Bronze Moyen, avec les haches de Habsheim alors que le type de Möhlin est également connu dans le Nord de l’Italie. Les haches à talon font également leur apparition à la fois par des influences occidentales (haches normandes et bretonnes), orientales (haches du type de Haguenau) et nordiques (hache du type de Kappelen et continentales). Un bon nombre de haches à talon dans des sépultures sous tumulus à Haguenau sont associées à du matériel typiquement masculin (fonction guerrière ou d’apparat). Les dépôts de haches sont pratiquement inexistants à cette époque, et le Haut-Rhin ne compte que neuf exemplaires.
Au Bronze Final, les haches à ailerons et à douille sont bien représentées surtout dans les phases les plus récentes. Les haches sont à nouveau présentes dans des dépôts de même type qu’à la fin du Bronze Ancien. Les haches à ailerons, originaires du Jura et de la Suisse, apparaissent d’abord clairement comme des outils, puis sont découvertes avec des armes (Ribeauvillé), et semblent donc avoir une fonction guerrière. Des influences italiennes se font également ressentir à cette époque, comme celles des stations palafittiques voisines. Avec les haches à douille, le décor apparaît sur les faces des instruments originaires d’Europe centrale, mais également de la Sarre. Enfin, le courant atlantique arrive en Alsace, avec ses haches armoricaines dont la fonction demeure encore un mystère.
Tout au long de l’âge du Bronze l’Alsace présente des haches originales issues de zones diverses ce qui confirme sa place de carrefour ouvert à de multiples courants.
L’analyse des cartes de répartition européennes permet d’identifier des axes de diffusions quasiment dans toutes les directions. Certains sont liés au cours d’eau comme le Rhin, mais les voies terrestres ne sont pas à exclure bien évidemment. Les liens avec les régions limitrophes comme l’Allemagne du sud ou la Suisse sont les plus anciens. Par la suite, les influences sont dans certains cas, plus lointaines. La découverte de ces haches hors de leur zone de production identifiée, illustre des réseaux d’échange (clientélisme) mais probablement également des déplacements de personnes.
Localement la répartition des haches est assez similaire à celle des sites contemporains, le long du zone de piémont vosgien qui constitue un axe de passage naturel. Dès le Bronze ancien quelques haches soulignent le passage vers le plateau lorrain par les Vosges du Nord. Les vallées sont occupés plus modestement, mais elles permettent le passage des Vosges comme celle de la Bruche, utilisée jusqu’aux périodes plus récente. L’absence d’objet est significative sur les Hautes Vosges, zone fortement érodée mais ou peu de recherches ou prospections ont été menées. L’absence de découverte est significative tout au long de la période dans la zone du Ried. L’archéologie préventive a pourtant montré récemment des traces d’occupation dans cette zone d’apparence répulsive. Le dépôt de haches au niveau de zone de passage comme les cols (Col du Bonhomme) revêt peut-être une valeur symbolique. De même la concentration de dépôts de la fin du Bronze moyen et du début du Bronze final (dépôt de Aesch, Biederthal, Fislis) au sud de l’Alsace illustre une circulation de matière première à l’ouest de l’axe Danube-Haute vallée du Rhin.
Afin d’avancer plus loin, de nouvelles cartes seraient à réaliser pour illustrer la répartition de ces objets de part et d’autre du Rhin. Ce travail a déjà été réalisé en partie par T. Logel.