Atlas historique d’Alsace, l’histoire de l’Alsace en cartes
Caractéristiques
Auteur et institut | Jean-Michel Boehler, Université de Strasbourg (ARCHE) | |
Périodes | Époque moderne | |
Thèmes | Agriculture et monde rural | |
Cartographe | Jean-Philippe Droux, CNRS (ARCHIMEDE) | |
Echelle | Alsace | |
Date de création | 1994 | |
Date de dernière modification | 2008 | |
Source | Carte originale | |
Comment citer cette source | Jean-Michel Boehler, « Approche des paysages de la plaine d’Alsace : la part des terres labourables d’après les plans de l’Intendance (1760-1762) », in Atlas historique d'Alsace, www.atlas.historique.alsace.uha.fr, Université de Haute Alsace, 2008 |
Notice de la carte
Reconstituer les paysages par-delà les siècles, de façon évolutive et comparative, relève le plus souvent de la gageure ou de l’exploit. En revanche, tenter l’opération de façon ponctuelle et statique peut devenir possible à la lumière du matériau archivistique conservé. C’est ainsi que l’opération diligentée par les services de l’Intendance d’Alsace au début des années 1760, pour des raisons qui procèdent autant des préoccupations fiscales que de la politique des subsistances, nous a laissé près d’un millier de plans agraires grand format, à l’échelle du 5 200ème, qui, mis bout à bout, s’emboîtent comme un puzzle et permettent de connaître par grandes masses (labours, vignes, prés, pâturages, forêts), l’utilisation des terroirs au moment où l’essor démographique réclame de nouvelles terres de culture. Le déficit constaté (environ 80 plans, soit moins de 10% de l’ensemble) touchant essentiellement la montagne vosgienne et l’Alsace Bossue, nous disposons de renseignements précieux sur l’affectation dominante, quartier par quartier, des terroirs de la plaine d’Alsace. Ces plans, accompagnés de récapitulatifs chiffrés, présentent l’avantage de couvrir l’ensemble du ressort de l’Intendance d’Alsace et sont réalisés avec infiniment plus de minutie que les levés topographiques accompagnant certains terriers et établis à l’initiative de tel propriétaire privé - seigneur ou institution ecclésiastique le plus souvent - à des dates fort différentes et difficilement comparables. Ce sont donc des documents uniques, sorte de clichés instantanés du paysage humanisé, qui ne trouveront leur équivalent qu’avec l’élaboration du cadastre.
Le moment est bien choisi car, à partir des années 1720/1740, les réserves de terres à défricher fondent alors que, jusque là, l’abandon des biens-fonds suite aux guerres et la charge démographique relativement légère étaient capables de générer un certain équilibre. A partir de cette période et jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, la « surface utile » ne progresse plus que de façon modérée, mais dans des proportions fort variables selon les différents « pays » composant la plaine d’Alsace (entre moins de 10 et plus de 80%) et dont l’utilisation du sol enregistre une certaine homogénéité.
L’indice le plus fiable réside dans l’extension des labours qui occupent entre 60 et 90% des terroirs du Kochersberg, des collines de Brumath, du pays de Hanau, de la plaine d’Erstein et du Sundgau oriental et laissent peu de place aux prés, ces derniers se réfugiant dans le fond des vallons, et aux pâturages, pourtant indispensables au fonctionnement du système agro-pastoral, voire aux bosquets et aux friches qui se font rares : car c’est autant de place perdue au regard de la vocation céréalière de ces régions. Mais la carte peut également se lire en négatif. Les régions qui consacrent relativement peu d’espace aux labours (moins de 50%) sont cependant de nature fort différente : ce sont les zones péri-forestières (Harts) ou marécageuses (Rieds) où tantôt les défrichements, tantôt les assèchements s’avèrent trop dispendieux au regard des résultats escomptés ; c’est le Sundgau occidental qui, avec des sols moins propices à la culture, assure la transition avec le Jura tout comme les finages de la bordure occidentale de la plaine annoncent les paysages vosgiens ; c’est enfin le piémont viticole qui consacre couramment le tiers de ses terroirs au vignoble, alors même que la spécialisation viticole n’est pas encore bien affirmée.
Mais est-il possible de choisir entre l’espace cultural, pastoral et forestier ? Si le Kochersberg doit faire face à la pénurie d’herbe et de bois, Rieds et Harts risquent au contraire de manquer de bonnes terres de culture, alors que leur capital forestier et fourrager se trouve assuré. Cette carte témoigne donc à la fois de la permanence des équilibres traditionnels et de la fragilité de ces équilibres au sein d’une économie appelée à subvenir simultanément aux besoins des hommes et du bétail. Menaçant davantage encore cet équilibre, les fourrages à base de grains et de légumes ne cessent de coloniser l’espace cultural qui ne peut plus prétendre répondre aux seuls besoins alimentaires de l’homme.
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