Atlas historique d’Alsace, l’histoire de l’Alsace en cartes
Caractéristiques
Auteur et institut | Richard Kleinschmager, Université de Strasbourg | |
Périodes | Époque contemporaine | |
Thèmes | Élections et partis politiques | |
Cartographe | Benjamin Furst, UHA (CRESAT) | |
Date de création | 2016 | |
Date de dernière modification | 2016 | |
Source | Carte originale | |
Comment citer cette source | Richard Kleinschmager, « Les élections départementales et régionales de 2015 en Alsace et dans le Grand Est », in Atlas historique d'Alsace, www.atlas.historique.alsace.uha.fr, Université de Haute Alsace, 2016 |
Notice de la carte
Une première carte présente l’assemblage des départements constitutifs de la nouvelle région associant les anciennes régions Alsace, Champagne-Ardennes-Lorraine adopté dans la loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République dite loi NOTRe qui a été adoptée définitivement le 16 juillet 2015 et promulguée le 7 août. Cette configuration géographique a fait l’objet de vives contestations en Alsace alors qu’elle semble avoir été acceptée dans une relative indifférence ailleurs.
La seconde carte présente la distribution départementale du vote pour la liste Florian Philippot, menant la liste FN. Si Philippe Richert a devancé Florian Philippot de 2,6 points de pourcentage dans le Bas-Rhin, dans les neuf autres départements de la grande et nouvelle région, le candidat du Front national, conseiller municipal de Forbach et député européen, est arrivé partout en tête. Il dépasse les 40% de suffrages dans la Meuse, la Haute-Marne et l’Aube. Pour ce qui est de la seule Alsace, le candidat du Front national l’a emporté de peu avec 32,3% des suffrages contre 31,1% au candidat LR-UDI-MoDem. La situation a toutefois été opposée dans les deux départements. Florian Philippot a totalisé 85 067 voix soit 34,7% des suffrages exprimés dans le Haut-Rhin et Philippe Richert 68 483 voix, soit 28% des suffrages. Inversement dans le Bas-Rhin, c’est Philippe Richert qui a devancé Florian Philippot avec 121 583 voix et 32,3 % des suffrages exprimés contre 119 993 voix et 30,65 % des suffrages exprimés au candidat frontiste. Par rapport aux régionales de 2010, la progression du FN a été spectaculaire : 228 706 voix aux régionales de 2010, 641 482 voix à celles de 2015, un gain de 412 776 voix soit + 180 %.
La troisième carte présente les résultats départementaux de la liste Richert du deuxième tour , le dimanche 13 décembre 2015. Aucun sondage n’avait prévu que l’écart se creuserait autant entre Florian Philippot largement en tête au premier tour au bénéfice de Philippe Richert. Le passage de 459138 voix au premier tour pour Phillippe Richert soit 25,8% des suffrages à 1 060 028 voix au deuxième tour soit 48,4% des suffrages représentant un gain de 600 817 voix (+ 131 %) a étonné. La performance a été d’autant plus marquée qu’elle s’est opérée en l’absence d’accord électoral et malgré le maintien de la liste du socialiste Jean-Pierre Masseret qui a augmenté le nombre de ses voix de 53 311 unités soit un gain de +18%. L’augmentation de la participation d’un tour à l’autre a sans conteste joué un rôle décisif dans ces résultats. L’accroissement du nombre de votants a été considérable. Il est passé de 1 861 799 soit une abstention de 52 % au premier tour à 2 293 289 soit une abstention de 41 % au second tour avec une croissance exceptionnelle de 23 % des votants d’un tour à l’autre. Nul doute que l’éventualité d’une victoire du Front national a eu un effet mobilisateur, ce qui ne signifie pas que le Front national n’ait pas bénéficié lui aussi de l’augmentation de la participation. D’un tour à l’autre ses voix ont augmenté +148 407 unités soit un gain de 23 %. En Alsace, sur ses terres, avec 59,2% des suffrages dans le Bas-Rhin et 51,8% dans le Haut- Rhin, Philippe Richert a décroché à ce deuxième tour, un résultat nettement supérieur à celui obtenu dans la grande région Est où il a totalisé 48,4% des suffrages. D’un tour à l’autre, en Alsace, le nombre de ses électeurs est passé de 190 122 à 418 580 soit un gain de + 120 %.
Le premier tour de l’élection régionale du 7 décembre 2015 bien qu’opéré dans le cadre de la nouvelle région Alsace-Champagne-Ardenne- Lorraine désormais dénommée Grand Est, s’est révélé plus favorable à Unser Land que ne le prévoyaient les sondages, surtout en Alsace. Après leur réussite aux élections départementales de 2015, les régionalistes / autonomistes d’Unser Land étaient confrontés à une élection a priori peu favorable. Il était difficile de soutenir une revendication de retour à la région Alsace dans une élection visant à désigner les élus de la nouvelle région de l’Est français. D’où une campagne placée sous l’égide de la défense des régions et du régionalisme en général avec pour slogan « Non à l’ACAL, oui à nos régions ». Pilotée par Jean-Georges Trouillet, la liste Unser Land que le candidat présentait comme un parti de centre droit, a totalisé 84 215 voix sur l’ensemble de l’Alsace dont 36 097 dans le Bas-Rhin, soit 10,1% des suffrages exprimés et 30 970 dans le Haut- Rhin soit 12,6 % des suffrages. Dans ce département, Unser Land devance le PS qui ne totalise que 23 246 voix soit 9,4% des suffrages.
Dans le Haut-Rhin devenu son fief, Unser Land issu de la fusion en octobre 2009 de l’Union du peuple alsacien / Elsässische Volksunion (UPA) et de Fer’s Elsass, association de jeunes militants souhaitant rajeunir l’autonomisme alsacien et créée en 2002 pour la promotion du bilinguisme intégral, est devenu la troisième force politique, précédé par les Républicains associés à l’UDI et au MoDem avec 27,9% des suffrages et le Front national avec 34,7%. L’élection souligne aussi combien l’association à des formations de même sensibilité comme le parti des Mosellans ou le Parti Lorrain était de circonstance, et combien elle cantonne Unser Land dans le champ politique alsacien. Dans la Moselle proche, la liste Trouillet n’obtient que 2,1% des voix et moins de 1,5% dans les sept autres départements non alsaciens.
S’agissant des deux villes majeures, Unser Land ne totalise que 3 494 voix soit 5,6% des suffrages à Strasbourg et 1311 voix soit 6,8% des suffrages à Mulhouse sur un total régional de 67 726 voix, ce qui marque son implantation préférentiellement rurale et la faiblesse de son audience en zone métropolitaine. Plus la taille de la ville diminue, plus le score d’Unser Land tend à augmenter : 1 732 voix et 10,1 % des suffrages à Colmar, 1 261 voix et 12,7 % des suffrages à Haguenau, ou 619 voix soit 16,7 % des suffrages à Saint-Louis. Les deux plus forts scores cantonaux du Bas-Rhin sont ceux du canton de Sélestat, 3269 voix soit 15,8% des suffrages et celui du canton de Wissembourg, 2517 voix soit 14,5% des suffrages. Dans le Haut-Rhin, la palme revient aux cantons de Saint-Louis, 2 574 voix, 20,7 % des suffrages et de Cernay, 2 967 voix, 16 % des suffrages. Nombre de petites communes rurales enregistrent des scores supérieurs à un quart des suffrages. Les scores les plus élevés sont ceux de petites communes rurales du Bas-Rhin comme Schwobsheim, village du Ried proche de Marckolsheim, (36,7% pour la liste Unser Land), Bellefosse, petite commune de la vallée de la Bruche (32,9%) ou des communes du Haut-Rhin comme Franken, (34,0%), ou Michelbach- le-Haut (31,8%), deux communes du Sundgau, vieille terre d’élection de l’autonomisme alsacien dont étaient issus des leaders d’avant-guerre comme l’abbé Xavier Haegy ou le Dr Eugène Ricklin. La formation présidée par Andrée Munchenbach, ancienne conseillère municipale de Schiltigheim et ancienne conseillère générale du Bas-Rhin sous d’autres bannières, est électoralement enracinée dans la ruralité alsacienne. Des thématiques majeures d’Unser Land comme la défense de la langue alsacienne ou la préservation de l’identité régionale, ont apparemment le plus d’écho là où elles sont le moins menacées.
Le Haut-Rhin a connu comme tous les départements une restructuration de son tissu cantonal comme indiqué dans le commentaire des résultats d’Unser Land dans le Bas-Rhin. La réforme a notamment permis de réduire les écarts de taille entre cantons haut-rhinois, sachant qu’avant la réforme, le canton de Lapoutroie, le plus petit comptait 10 004 habitants et le plus grand, celui de Huningue, 53 216 habitants. Le nombre de cantons a été réduit de 31 à 17 avec une taille moyenne de 44 105 habitants. Sur Mulhouse leur nombre est passé de 4 à 3. Désormais, le canton de Saint-Louis culmine à 53 216 habitants alors que le plus petit des cantons haut- rhinois, Guebwiller compte 36 568 habitants.
L’une des inconnues des élections départementales de mars 2015 a été la question des effets des nombreuses protestations contre la réforme régionale qui se sont cristallisées sur le plan électoral dans les candidatures d’ Unser Land. Ces manifestations ont été particulièrement nombreuses et importantes dans le Haut-Rhin où divers groupes et structures se sont constitués pour s’opposer à la disparition de la région Alsace. Unser Land a présenté 8 binômes dans le Haut-Rhin contre 11 dans le Bas-Rhin. Au total, la formation présidée par Andrée Munchenbach a obtenu 9,1% des suffrages dans la Haut-Rhin davantage que les 8,7% du Bas-Rhin. Sans candidature sur Mulhouse, Unser Land obtient son meilleur score avec le binôme Hervé et Huguette Ott dans le canton frontalier de Saint Louis où il rassemble 24,4% des suffrages exprimés, le meilleur score régional. Les cantons de Guebwiller et de Masevaux sont les suivants avec plus de 17% des voix, tandis que le plus faible score est obtenu par le binôme A.Hottler et C.Wira avec 10,6% des voix dans le canton de Kingersheim. L’absence de candidatures sur Mulhouse empêche de confirmer la difficulté de la formation à pénétrer les zones urbaine majeures même si sur Colmar 1 l’ancien maire d’Ingersheim Gérard Cronenberger et Nadia Hoog obtiennent 1637 voix soit près de 16% des suffrages.
Unser Land a marqué à l’occasion de cette élection départementale l’entrée sur la scène électorale d’une sensibilité régionaliste/autonomiste renouvelée dans les deux départements alsaciens, non pas de manière fracassante mais suffisamment importante pour contribuer à empêcher des victoires dès le premier tour de la majorité alsacienne de droite et à accentuer l’affaiblissement de la gauche et des écologistes dans un contexte où le FN a accentué son implantation locale.
Les résultats des élections départementales 2015 du Bas-Rhin comme du Haut-Rhin sont présentés par commune dans le cadre de deux découpages cantonaux, les anciens cantons d’avant la réforme de la loi du 17 mai 2013 et dans le découpage découlant de celle-ci. Le principe retenu pour les nouveaux cantons a été de contenir la taille des cantons dans un écart de plus ou moins 20 % à la moyenne départementale de population des cantons du département. Le nombre de cantons est ainsi passé de 4 035 à 2 054 au niveau national et de 75 à 40 en Alsace. 23 cantons ont été établis dans le Bas-Rhin au lieu de 44 auparavant avec une taille moyenne de 47 648 habitants. Par ailleurs chaque canton a désigné non pas une personne mais un binôme homme-femme à l’assemblée d’un conseil désormais baptisé conseil départemental et non plus général élu pour six ans sans renouvellement intermédiaire. La parité est désormais assurée dans les assemblées départementales.
Dans le Bas-Rhin, le premier tour a été marqué par une forte et nouvelle présence locale du FN, le repli des gauches et des écologistes et la confirmation de l’implantation dominante des droites. Le second tour a vu la droite « classique » l’emporter sans coup férir dans la majorité des cantons sauf à Strasbourg où le PS l’a emporté dans quatre cantons de la ville sur six. Une des singularité de cette élection a été la présence d’ Unser Land dans 13 cantons sur 23 sur le Bas-Rhin au premier tour. Dans la suite des manifestations qui ont marqué l’élaboration de la réforme territoriale nationale et ont accompagné le vote par le Parlement de la loi portant « Nouvelle organisation territoriale de la République » dite loi NOTRe, de nombreuses manifestations dans nombre de villes des deux départements alsaciens ont réactivé une sensibilité régionaliste voire autonomiste autour de la protestation contre la proposition d’une nouvelle région réunissant les trois régions de l’Est français, Alsace, Lorraine et Champagne- Ardenne. L’une des véritables inconnues de ce scrutin départemental était de savoir si les candidats étiquetés Unser Land, capitaliseraient dans les urnes le bénéfice de la popularité acquise dans les manifestations de protestation contre la grande région. La formation présidée par Andrée Munchenbach a obtenu 8,5% des suffrages dans le Bas-Rhin, le meilleur score étant celui du canton de Wissembourg avec 20,1% des suffrages. À l’opposé, ses moins bons résultats sont enregistrés dans la zone métropolitaine strasbourgeoise. Dans les deux cantons plutôt populaires de Strasbourg de Strasbourg-2 (Koenigshoffen) et de Strasbourg-3 (Hautepierre-Cronenbourg) où se présentait un binôme Unser Land, les résultats sont de l’ordre de 5% des suffrages, ils approchent les 10% dans les cantons de Schiltigheim et d’Illkirch- Graffenstaden, pour monter à presque 19% dans le canton d’Obernai. Ce gradient géographique traduit dans le Bas-Rhin l’implantation préférentiellement non métropolitaine et rurale de cette sensibilité qui a capté un électorat de droite et de gauche.
Fichier à télécharger