Atlas historique d’Alsace, l’histoire de l’Alsace en cartes
Caractéristiques
Auteur et institut | Marie-Claire Vitoux, UHA (CRESAT) | |
Périodes | Époque contemporaine | |
Thèmes | Démographie et société | |
Cartographe | J. Gnaedig, AHA | |
Echelle | Suprarégionale | |
Date de création | 2011 | |
Source | D. Meddahi (Saisons d'Alsace, n°117, 1992) | |
Comment citer cette source | Marie-Claire Vitoux, « Les réfugiés alsaciens-lorrains en France en 1943 », in Atlas historique d'Alsace, www.atlas.historique.alsace.uha.fr, Université de Haute Alsace, |
Notice de la carte
Une statistique arrêtée au 1er octobre 1943 recense 167 135 Alsaciens et Lorrains réfugiés, répartis pour la majeure partie d’entre eux (142 472) dans ce qui fut jusqu’en novembre 1942 la France non occupée.
La précision des chiffres, s’il permet leur cartographie, cache la grande complexité du phénomène qu’ils mesurent. Le terme générique de « réfugié » rassemble en effet des expériences d’exil très différentes.
La masse la plus importante est constituée par les évacués de septembre 1939 et de mai-juin 1940. Il s’agit là des 611 000 Alsaciens-Lorrains des 552 communes frontalières dont l’état-major français a ordonné l’évacuation préventive.
Les personnes les plus aisées cependant ont elles-mêmes organisé leur départ vers des destinations librement sélectionnées (famille ou amis pouvant les accueillir), avec une partie de leurs biens et par leurs propres moyens : ce sont donc au sens strict les réfugiés.
Les historiens estiment que 150 000 de ces évacués et réfugiés restèrent en exil après l’armistice.
À ces deux catégories, s’ajoutent les Alsaciens et les Lorrains expulsés par les autorités nazies durant l’été et l’automne 1940, parce que considérés comme indésirables. Juifs, fonctionnaires français, Alsaciens francophiles, etc. furent chassés des deux provinces avec 30 à 50 kilos de bagages.
La répartition spatiale des réfugiés en 1943 révèle la succession historique de ces migrations.
Près de la moitié des réfugiés recensés en 1943 sont établis dans les départements d’accueil des évacués de 1939. L’état-major et le gouvernement français avaient choisi les départements du Sud-Ouest pour accueillir les évacués pour deux raisons principales : d’une part, il s’agissait de placer les évacués le plus loin possible des frontières du Nord et de l’Est qui devaient subir l’attaque allemande ; d’autre part, il fallait les installer dans des départements encore fortement agricoles pour limiter le problème de leur ravitaillement. Il est clair que le « savoir-faire » acquis durant la drôle de guerre par ces départements dans l’accueil des évacués leur permit d’accueillir la majorité des expulsés sur les places libérées par les évacués rentrés après la victoire allemande. Notons que les évacués des départements de la Charente et de la Vienne, essentiellement originaires de la Moselle, ont été surpris par la fixation de la ligne de démarcation après l’armistice du 22 juin 1940 : ils se sont retrouvés en zone occupée.
En 1939, les réfugiés proprement dits ont choisi leur destination en fonction des liens familiaux et amicaux : d’où leur présence forte dans les départements limitrophes des deux provinces (Meurthe-et-Moselle et Vosges), mais aussi leur installation le long de l’axe rhodanien. Lyon est d’ailleurs le premier centre d’accueil des réfugiés avant leur dispersion vers le Sud-Ouest ou vers le Sud. La capitale rhodanienne devient aussi le cœur de la résistance alsacienne.
Ainsi, la carte de répartition des réfugiés en 1943, si elle est d’une simplicité biblique, révèle la complexité du phénomène migratoire. La différence est extrême entre les évacués, les réfugiés et les expulsés ; entre ceux qui sont restés et ceux qui sont rentrés ; entre ceux qui sont partis dans une migration planifiée, à défaut d’être bien organisée, et ceux qui sont partis par leurs propres moyens ; entre ceux qui se sont installés durablement et ceux qui sont passés d’un département à l’autre, voire qui sont partis pour Londres ou l’Afrique du Nord …
Derrière la rigidité des catégories et de la représentation cartographique, l’historien trouve la différence, voire la division, et le mouvement.
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