Atlas historique d’Alsace, l’histoire de l’Alsace en cartes
Caractéristiques
Auteur et institut | Nicolas Lefort | |
Périodes | Époque contemporaine | |
Thèmes | Arts et architecture | |
Cartographe | Jean-Philippe Droux, CNRS (ARCHIMEDE) | |
Echelle | Alsace | |
Date de création | 2014 | |
Date de dernière modification | 2014 | |
Source | BNUS M.40.307. Conseil supérieur d’Alsace et Lorraine, session de décembre 1919, rapport de la section permanente | |
Comment citer cette source | Nicolas Lefort, « Les monuments historiques d’Alsace classés au 11 novembre 1918 », in Atlas historique d'Alsace, www.atlas.historique.alsace.uha.fr, Université de Haute Alsace, 2014 |
Notice de la carte
En novembre 1918, l’Alsace fait retour à la France après un demi-siècle de séparation. Elle y retrouve ses monuments historiques. Ceux-ci sont encore administrés suivant les règlements ministériels français de 1821 à 1853 qui ont été expressément maintenus en vigueur dans le Reichsland d’Alsace-Lorraine par un arrêté du président supérieur Édouard von Moeller en 1874. Après l’Armistice de 1918, le Conseil supérieur d’Alsace et de Lorraine commande un rapport sur les monuments historiques dans les provinces recouvrées : c’est à cette occasion que le nouveau directeur des services d’architecture et des beaux-arts d’Alsace et de Lorraine, Robert Danis, publie la liste des monuments historiques classés en Alsace au 11 novembre 1918.
Au moment de l’Armistice, 131 monuments historiques se trouvent classés en Alsace : 83 dans le Bas-Rhin et 48 dans le Haut-Rhin. Aux 47 monuments classés par la commission des monuments historiques entre 1840 et 1870 (27 dans le Bas-Rhin et 20 dans le Haut-Rhin), l’administration allemande a ajouté 84 monuments entre 1871 et 1918 (56 dans le Bas-Rhin et 28 dans le Haut-Rhin).
La typologie des monuments classés n’a guère évolué en Alsace entre les périodes française et allemande, car la définition du patrimoine à protéger était approximativement la même des deux côtés du Rhin.
Ainsi, sur 131 monuments classés en 1918, 80 sont des monuments religieux (églises romanes et gothiques, couvents, peintures murales, vitraux, pierres tombales), 40 sont des monuments militaires (ruines de châteaux forts et éléments de fortifications urbaines), 15 sont des monuments civils (hôtels et maisons de ville, puits) et quatre sont des monuments commémoratifs (statues). L’architecture civile est encore largement exclue du classement car les circulaires ministérielles françaises de 1821 à 1853 ne permettent pas le « classement d’office » des monuments appartenant à des particuliers, et la mesure d’expropriation pour cause d’utilité publique prévue par la loi de 1841 est bien trop onéreuse pour le service des monuments historiques. L’architecture vernaculaire est également exclue du classement car ce dernier a surtout pour objet les « monuments-type » d’intérêt national, et non les monuments d’intérêt purement régional ou local.
En 1918, le classement concerne principalement les vestiges de l’Antiquité et l’architecture du Moyen Âge. Sur 131 monuments classés, sept datent de l’Antiquité préhistorique et historique : le mur païen du Mont Sainte-Odile, le musée du Donon, deux mégalithes et deux ruines de l’époque gallo-romaine. 113, soit l’écrasante majorité des monuments classés, datent du Moyen Âge. Six monuments remontent à la période de la Renaissance : la maison de l’Œuvre Notre-Dame à Strasbourg, trois constructions à Obernai, la Maison des Têtes à Colmar et l’Hôtel de Ville de Ensisheim. Seulement deux monuments datent des XVIIe et XVIIIe siècles : l’église néoclassique Notre-Dame de Guebwiller, classée par la commission française des monuments historiques dès 1840, et l’église de style baroque allemand d’Ebersmunster, classée par l’administration allemande en 1898. D’ailleurs, les Français accusent les Allemands d’avoir volontairement exclu du classement les monuments d’architecture « française » comme les châteaux des Rohan de Strasbourg et Saverne, les hôtels de la place Broglie à Strasbourg ou le lycée de Colmar. Enfin, trois monuments du XIXe siècle sont classés parce que leur construction et/ou leur entretien ont été financés grâce à des subventions du ministère d’Alsace-Lorraine : le monument Kléber au Polygone à Strasbourg, l’église néo-gothique de Froeschwiller, construite sur les ruines d’une ancienne église détruite pendant la guerre de 1870, et le monument de l’éphémère empereur d’Allemagne Frédéric III, érigé en 1895 à Woerth.
Outre le déséquilibre entre Bas-Rhin et Haut-Rhin, les 131 monuments classés se répartissent inégalement sur le territoire alsacien. Les arrondissements qui comptent le plus de monuments classés dans le Bas-Rhin sont ceux de Molsheim (21 monuments), Wissembourg (18) et Sélestat (9), et dans le Haut-Rhin, les arrondissements de Colmar, Guebwiller et Ribeauvillé (12 monuments chacun). Les petites villes et villages viticoles et le piémont vosgien sont particulièrement riches en monuments du Moyen Âge et de la Renaissance. À l’inverse, les arrondissements qui comptent le moins de monuments classés dans le Bas-Rhin sont ceux de Haguenau (2 monuments) et Strasbourg-Campagne (4), et dans le Haut-Rhin, les arrondissements de Mulhouse et Thann (3 monuments chacun) et d’Altkirch (5). La région du Sundgau est donc peu représentée. En 1918, le patrimoine rural n’est pas encore protégé au titre des monuments historiques et la région très éloignée est difficile d’accès pour les représentants du service des monuments historiques basés à Strasbourg. Enfin, les villes particulièrement riches en monuments de Strasbourg et Colmar comptent relativement peu de monuments classés car elles possèdent chacune un service d’architecture qui assure lui-même l’entretien et la restauration des bâtiments municipaux.
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