Atlas historique d’Alsace, l’histoire de l’Alsace en cartes
Notice de la carte
La diffusion des sceaux de ville à l’échelle régionale s’inscrit dans un mouvement plus ample qui touche tout l’Occident latin au Moyen Âge central. L’instrument juridique qu’était le sceau représentait initialement des individus (souverain franc, puis évêques et princes à partir des Xe et XIe siècles), avant que des communautés ne commencent à les utiliser. Si l’on excepte certaines villes italiennes et provençales, les sceaux de communautés urbaines apparaissent dans les premières décennies du XIIe siècle à peu près simultanément dans le Rhin moyen et dans les anciens Pays-Bas méridionaux. Vers 1140, Cologne, Mayence, Trèves et Aix-la-Chapelle disposaient de leur propre sceau mais la pratique ne se répandit vraiment dans les villes germaniques qu’aux alentours de 1200, essentiellement dans les régions méridionales comme la Franconie, l’Oberrhein ou un peu plus tardivement, vers 1220-1230, l’Autriche.
La possession d’un sceau a longtemps été considérée comme l’indice décisif pour prouver l’existence d’une institution communale ou urbaine autonome. Mais le sceau seul ne suffit pas à définir la ville, même s’il a été évidemment retenu parmi une quarantaine d’autres critères dans l’ample recherche sur les centres urbains de l’ouest de l’Empire germanique médiéval menée à l’Université de Trèves au début des années 2000 (avec des compléments de B. Metz pour l’Alsace). Un système de points attribué à chaque critère a permis de faire ressortir les centres urbains, agglomérations affichant sept points à la fin du Moyen Âge – sans que les auteurs s’expliquent vraiment sur le choix de ce nombre. Ce barème a néanmoins été repris ici. Par conséquent, les communautés qui disposaient d’un sceau sans avoir le rang de centre urbain au XIIIe siècle, telle celle de Mutzig (Bas-Rhin) en 1263, ne figurent pas sur la carte.
Rappelons également que les dates indiquées sont celles de la plus ancienne empreinte connue dans une période dont les pertes documentaires sont incommensurables. Il n’est donc pas impossible que certains sceaux aient été utilisés quelques années, voire décennies, avant qu’on en ait gardé une trace, comme cela a pu être suggéré pour le sceau de Strasbourg, attesté en 1201 mais qui pourrait être plus ancien d’un quart de siècle.
Tout en ayant ces précautions à l’esprit, on peut sans risque caractériser le XIIIe siècle comme l’époque d’apparition et d’ancrage de l’usage du sceau de ville dans l’Oberrhein. Le phénomène indique et accompagne indubitablement un renforcement des pouvoirs urbains. La diffusion de la pratique s’est faite « par le haut », depuis les grands centres urbains vers les villes moyennes. On ne s’étonnera pas que la civitas épiscopale de Strasbourg ait été pionnière en la matière, même si le sceau de Bâle n’est attesté qu’un quart de siècle plus tard. Relèvent également de cette première génération, des centres secondaires mais importants dans le paysage urbain régional avec Colmar, Haguenau (alors capitale des Hohenstaufen) et Fribourg. Sans doute les autres villes qui se dotent d’un sceau avant 1250 (Brisach, Obernai, Rouffach et Saverne) peuvent-elles être rattachées à ce groupe d’une large première génération de villes sigillantes.
La véritable généralisation, pour ne pas dire banalisation, des sceaux de ville dans la plaine du Rhin est à situer dans un gros dernier tiers du XIIIe siècle, au cours duquel deux moments semblent se distinguer. Avec une dizaine d’empreintes, on assiste à une explosion de la documentation sigillaire urbaine aux alentours de 1260. La région est alors en proie aux troubles du Grand Interrègne et certaines communautés ont certainement ressenti le besoin de disposer d’un tel instrument juridique. On note un second pic à l’orée du XIVe siècle. Le phénomène touche dès lors des villes encore plus moyennes que les précédentes. À cette époque, il n’est pas impossible que le fait de disposer d’un sceau permettait à une communauté de s’affirmer comme ville en toute légitimité. Une étude d’ensemble, qui reprendrait le dossier de chaque ville au cas par cas, attend encore d’être menée pour donner une vision plus complète du paysage sigillaire urbain de la région au Bas Moyen Âge.
Thomas Brunner